MARKETING ENTRETIEN «Mon père était déjà un pionnier: c’est grâce à lui que la Suisse est aujourd’hui le pays du paprika.» Vous transformez 90% de pommes de terre suisses. Pourquoi pas 100%? Nous n’avons hélas aucun contrôle sur la météo. Ces quatre dernières années, la récolte de pommes de terre a été très compliquée: il faisait soit trop sec, soit trop humide. Par conséquent, nos plants ne poussent pas systématiquement, même si nous prévoyons toujours en plus une réserve de 10% à 20% du contingent nécessaire pour compenser les fluctuations. Mais si la récolte n’est pas suffisante, nous devons nous tourner vers l’étranger. À propos de l’étranger: quelle est la part des exportations des snacks Zweifel? Nous ne donnons pas de chiffres précis, mais le taux reste inférieur à 10%. L’an dernier, la situation a été compliquée en raison de la hausse des prix des matières premières, y compris pour l’exportation. Le marché d’exportation est encore une jeune pousse fragile qui ne cesse toutefois de croître et dans laquelle nous devons aussi investir stratégiquement des ressources pour la développer. Il y a aussi de plus en plus de petites manufactures qui font leur apparition sur le marché suisse. Craignez-vous de perdre le monopole? Au contraire, je m’en réjouis. Si d’autres entreprises arrivent sur le marché, tout le monde en profite: plus de variété et de choix pour les consommateurs, plus de ventes pour les détaillants et plus de considération pour le secteur. C’est une situation gagnant-gagnant. Nous gardons bien sûr un œil sur la concurrence, car nous voulons rester les meilleurs. Et je dis cela sans aucun mépris: la concurrence stimule les affaires. Avec le lancement des mélanges d’épices en 2017 et de la nouvelle gamme Vaya en 2018, vous misez fortement sur les produits innovants. Quelle est l’importance accordée à la gestion de l’innovation chez Zweifel? C’est très important. Mon père était déjà un pionnier: c’est grâce à lui que la Suisse est aujourd’hui le pays du paprika. Bien sûr, nous ne réussissons pas non plus tout du premier coup: huit innovations sur dix font généralement un flop! Il faut savoir gérer ça. Mais la clientèle s’attend à un certain degré d’innovation. Notre réservoir d’idées est donc toujours bien rem- Portrait Christoph Zweifel dirige depuis 2020 l’entreprise familiale, dont le siège administratif et le site de production principal se situent à Spreitenbach. Avant de rejoindre l’entreprise en qualité de directeur Marketing et ventes en 2015, le technologue en denrées alimentaires de 55 ans, diplômé en sciences techniques de l’EPF, a occupé différents postes chez Unilever et Aryzta (anciennement Hiestand). Fondée en 1958, Zweifel Chips & Snacks AG fabrique depuis 66 ans des chips et des snacks de qualité supérieure et emploie aujourd’hui plus de 500 personnes. zweifel.swiss/fr pli. Et il est également important d’explorer de nouveaux secteurs d’activité. L’an dernier, nous avons donc lancé les gaufres Vaya, à base de pois chiches, qui sont des articles de biscuiterie et de biscotterie et non des snacks classiques. Vous vous lancez ainsi dans la vente de collations du matin. C’est un pas supplémentaire vers une stratégie H24. Cela se passe comment? Très bien. Il faut du cran, si on choisit de ne pas innover dans son propre segment, pour sortir de sa zone de confort et s’aventurer en terre inconnue. Nous n’en sommes qu’au tout début, mais tout le monde est satisfait: la clientèle, les détaillants... et nous! Pourquoi les gaufres Vaya sont-elles fabriquées à l’étranger? Nous disposons d’un espace très limité à Spreitenbach, et nous aurions aussi dû acheter une nouvelle machine de plusieurs millions de francs pour la production. Le risque d’un tel investissement est bien trop élevé, surtout quand on innove dans un secteur sans avoir encore de l’expérience et sans avoir la certitude que le projet aboutira. Nous allons suivre l’évolution et relocaliser la production en Suisse en temps utile, si cela en vaut vraiment la peine. L’une de vos nouvelles saveurs, «Poulet au panier», connaît un franc succès. Comment l’expliquez-vous? Avant chaque Coupe du monde ou Euro, nous avions pour habitude de proposer des éditions limitées et de demander à notre communauté sur Facebook les saveurs qu’elle souhaitait. «Poulet au panier» en faisait partie. L’accueil a été tel que nous avons décidé de l’inclure dans notre gamme permanente. Une excellente décision, puisqu’elle est rapidement devenue la quatrième variété préférée, après «Paprika», «Nature» et «Salt & Vinegar». Mais beaucoup ignorent d’ailleurs qu’il n’y a pas de poulet dans les chips, qui sont véganes comme beaucoup de nos produits. Comment gérez-vous l’innovation? Avez-vous un département spécifique? Non. Chez nous, tous les membres du personnel peuvent et doivent apporter leur contribution à la gestion de l’innovation. Si une personne voit un snack intéressant pendant ses vacances, elle nous en rapporte pour le tester. Nous les incitons à garder les yeux ouverts, à Mon ENTREPRISE 32 03/2024
ENTRETIEN effectuer des relevés de prix et à faire preuve de créativité. Ainsi, la gestion de l’innovation s’étend à toute l’entreprise et ne repose pas seulement sur quelques épaules. En 2022, vous avez annoncé la reprise de l’entreprise Berger Backwaren à Münsingen, connue pour ses «coquins». Une nouvelle action dans le cadre de la stratégie H24? Tout à fait. Nous commercialisons les biscuits de la société Berger par le biais de notre service Frais depuis 2004 déjà. En l’absence de successeur pour l’entreprise en 2020, nous l’avons donc rachetée, mais nous distribuons toujours les produits sous l’ancienne marque. La marque Berger est synonyme de compétences dans le secteur des snacks sucrés et couvre donc plutôt les produits du matin. Cela s’inscrit parfaitement dans notre stratégie H24. L’intérêt accru porté par la société aux questions de santé n’a-t-il pas une incidence sur votre chiffre d’affaires? Si, absolument. La tendance va dans le sens d’une alimentation plus équilibrée, nous devons en tenir compte. Une tendance que nous avons toutefois détectée très tôt, et nous avons donc volontairement orienté nos innovations et nos nouvelles gammes de produits dans ce sens. C’est le cas par exemple de la gamme Près de 10 000 tonnes de chips quittent chaque année le site de production de Spreitenbach, et la tendance est à la hausse. Vaya, qui est très riche en fibres et en protéines, mais pauvre en graisses et en sel. Ainsi, toutes les personnes attachées à une alimentation raisonnée et équilibrée trouvent aussi chez nous une variante de snack adaptée. Quelle est la part de la gamme Vaya dans le chiffre d’affaires total? Les chips classiques représentent toujours nos best-sellers et je ne pense pas qu’il y aura un raz-de-marée. Nous produisons des aliments qualitatifs et savoureux, et il n’y a pas de raison que cela change. Même si la gamme Vaya enregistre une croissance à deux chiffres, cela reste un faible pourcentage. Quelles sont vos ambitions? Je souhaite que notre entreprise entre dans la prochaine décennie auréolée de succès, et aussi transmettre une affaire saine et florissante à la prochaine génération (la cinquième maintenant). Pour cela, nous devons actuellement investir, notamment 40 millions de francs dans la construction de la nouvelle usine de snacks. Or, si nous poursuivons notre croissance sans rien faire, nous ferons face à des difficultés de production d’ici à 2029. Mais il y a sans doute des problèmes plus graves que de devoir augmenter sa capacité de production en raison d’une forte croissance. ● 03/2024 33 Mon ENTREPRISE
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